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14 juillet 1919 - Paris - Fête du 14 juillet 1919 ou fête de la Victoire. Avenue des Champs-Elysées, au Rond-Point : tas de canons allemands.

#49.1 

Une pieuse légende raconte que, lorsqu'on transféra la dépouille de Saint Martin de Candes à Tours, les buissons se mirent à refleurir à son passage le long de la Loire ! Celle ci serait à l'origine du nom donné à ce redoux occasionné par des vents du sud-ouest soufflant début novembre: l'été de la Saint Martin. Se souvenant que Saint Martin fut aussi légionnaire de l'armée romaine, le général Foch aurait vu dans le choix du 11 novembre pour la signature de l'armistice une double portée symbolique.

Sur le plan politique et militaire, les alliées de l'Allemagne: la Bulgarie, la Turquie, l'Autriche-Hongrie, avaient déjà cessé le combat, séparément, début novembre. Les gouvernements alliés ayant fait savoir qu'il ne négocieraient pas avec l'Empereur Guillaume, l'état-major allemand l'avait résolu à abdiquer dès le 9 novembre alors que la situation intérieure en Allemagne se dégradait. Des mutineries, des grèves, des insurrections populaires dans les grandes villes faisaient alors craindre une révolution. L'Allemagne n'était plus en mesure de poursuivre la guerre mais elle se battit jusqu'au bout. Dans une ultime tentative de franchissement de la Meuse et de conquête de têtes de pont , 96 soldats français furent tués entre le samedi 9 et le lundi 11 novembre 1918 à 11heures.

Et à ce moment précis, sous un beau soleil, aux premières notes d'une sonnerie de clairons,  presque miraculeusement, le rugissement quasi-incessant des armes laissa place à un étrange silence !

Ce silence se peupla très vite de voix, de chants, des rires, des pleurs d'hommes debout, calmes et enfin sans peur. Camille Auret, soldat de deuxième classe, se trouvait, ce jour là, à Asper en Belgique au bord de l'Escaut, interrogea encore incrédule son adjudant : « On ne tue plus n'est-ce pas ?  C'est fini, et je suis en vie ! ». Le lieutenant Emile Morin écrivit dans ses carnets : « Est-bien vrai ? ...par quel hasard suis-je encore là ? »

Un souffle résurrecteur traversa les champs de bataille, la vie put revenir sur les territoires dont elle avait été bannie, voilà qu'enfin, on pouvait reparler d'avenir … Mais que faire alors de tous ces engins de mort désormais muets, disgraciés. Sur cette photo, on les a empilé pour les réduire à un tas de ferraille traduisant l'impuissance à laquelle a été soumis l'ancien ennemi ...écrasé. 

9 mai 1918 - Rollancourt - Cour de ferme. Soldat britannique et villageoise.

#49.2

Tous ces soldats attendant désormais leur démobilisation, l'avaient vu à l’œuvre sur les champs de bataille, la grande faucheuse moissonnant sans répit la jeunesse de France; elle les avait sans doute frôlé à quelques mètres près, à quelques secondes près Ils l'avaient vu accomplir ses basses œuvres usant de tous les raffinements possibles des techniques, toujours plus destructrice, toujours plus meurtrière. Ils l'avaient vu porter ses coups de lame sans état d'âme, sans discernement, amis ou ennemis, courageux ou  froussard, croyant ou incroyant,  ouvriers, paysans, bourgeois, bretons ou corses …

L'armistice mis fin à cette effroyable moisson, mais les épis qu'elle aura couchés ne se relèveront pas. A l'heure où la « grande faucheuse » remisa sa lame, beaucoup pensèrent à ceux pour qui il était trop tard. Le lieutenant Morin, parlant des « survivants », écrit : « leur pensée doit se porter vers tous nos camarades dont les noms commencent à nous échapper  et que nous avons vu tomber à nos côtés, sur tous les champs de bataille, de l’Alsace aux Flandres, fauchés, broyés, déchiquetés par la mitraille, brûlés, gazés, ensevelis, enlisés, disparus à jamais au cours d’atroces combats ou par des nuits sans lune.

Si leur sacrifice et les souffrances que nous avons endurées préparent des lendemains plus heureux, tout cela n’aura pas été fait en vain. Mais peut-on espérer en la sagesse humaine ?»

Mais heuresement, l'espoir renaissant,  la vie reprit irrémédiablement le dessus, les sourires revinrent éclairer les visages comme ceux de ce soldat britannique, fusil en bandoulière, et de cette villageoise, faux sur l'épaule. L'avenir s'ouvre et la guerre finissante ne semble en rien troubler la fraîcheur de cet échange complice d'un premier regard.   

Photos - Albums Valois -  Bibliothèque de Documentation internationale contemporaine (BDIC)