#20.1
Si les destructions furent principalement concentrées dans des périmètres proches des zones de combats, elles touchèrent aussi d'autres cibles de part leur nature stratégique, économique ou symbolique.
Ainsi, même si leurs tours ou leur clocher pouvaient être suspectés d'être utilisé comme poste d'observation, des nombreuses édifices religieux, hôtels de ville furent visés comme la cathédrale de Reims dès septembre 1914. De telles atteintes à des joyaux du patrimoine national eurent vraisemblablement plus d'impact sur le moral des populations que de bénéfices strictement militaires. La bibliothèque de Louvain, le centre historique d'Arras, la collégiale de Soissons, la forteresse médiévale de Coucy-le-Château ... furent ainsi ravagés.
On raconte souvent l'histoire de la Vierge dorée tenant à bout de bras l'enfant Jésus qui surmontait le dôme de la basilique d'Albert dans la Somme. En janvier 1915, un obus percuta le socle de la statue et la vierge se retrouva suspendue, à l'horizontal, au-dessus du vide. Une légende naquit aussitôt : "le jour où la Vierge penchée tombera, ce sera la fin de la guerre". Ce ne fut pas tout à fait vrai. Soumise au pilonnage de l'artillerie britannique, elle tomba en avril 1918.
Hélas, comme cela s'était pratiqué lors des siècles précédents, lors du repli stratégique de l'armée allemande en mars 1917 derrière la ligne Hindenburg, l'état-major allemand renoua avec la pratique dite de la « terre brûlée ». Derrière elles, les armées allemandes laissèrent des villages incendiés, des routes défoncées, des ponts coupés, des puits souillés, le matériel agricole et les équipements industriels saccagés, des mines noyées, des arbres fruitiers arrachés …
Face à cette vague déferlante de destructions systématiques, des mesures furent prises pour sauvegarder les trésors qu'abritaient les édifices publics ou religieux situés sous la menace des troupes prussiennes.
On voit ici des statues de l'abbaye de Saint Riquier descendues des loges qu'elles occupaient depuis des siècles pour être mises en sûreté. Le Christ rédempteur portant l'orbe dans sa main gauche, Saint Paul portant l'épée de sa décapitation, Saint Pierre détenteur des clés du paradis, et Saint Jacques avec son chapeau et son bâton de pèlerin, retrouveront leur place après guerre. A leurs pieds, des processions de fidèles que la guerre n'aura pas épargnés, chercheront dans le silence des pierres, les impénétrables desseins du Très-Haut.
#20.2
L'ensemble des destructions est parfaitement documenté; la section photographique et cinématographique de l'armée (SPCA) couvrant les opérations militaires, les ont méticuleusement inventoriés, catalogués … constituant ainsi des dossiers qui, plus tard, serviront à l'estimation des dommages de guerre. Une délégation de la cour des comptes relate dans l'un de ses rapports en Juin 1917 : « Ces dommages proviennent, sans conteste, d’actes criminels car il n’y a aucune trace de bombardement sur ces lieux. Après les pillages, les maisons, châteaux et fermes ont été détruits par minage à l’explosif ou furent incendiés voire démolis à la barre à mine. À Margny-aux-Cerises, la démolition a été réalisée avec l’aide d’un puissant bélier mécanique... »
En dépit des pertes irréparables, des exactions commises par les troupes occupantes lors de leur retrait, pour les populations civiles l'arrivée des troupes britanniques, parfois à bicyclette, est une libération vécue comme telle après plusieurs années passées « à l'heure allemande ».
Plusieurs photos témoignent de l’accueil chaleureux faits par les habitants du village de Vraignes aux « Tommies ». On peut difficilement faire effusion de mots alors ce sont les gestes qui parlent. On y voit, les dames du Village, la main amicalement posée sur l'épaule de ces soldats, les soldats fraternisant avec les enfants et leur faisant un petit tour de vélos …
Photos - Albums Valois - Bibliothèque de Documentation internationale contemporaine (BDIC)