Vous êtes ici

Précédent
1915 - Gerbéviller - Ruines du café du Progrès.

#50.1

« A quelque chose malheur est bon !» dit-on parfois par dépit, résignation, en quête d'un improbable apaisement, d'une impossible rédemption. Cet immense malheur collectif et individuel que fut la première guerre mondiale aurait-il été néanmoins facteur de quelques progrès une fois surmontés les traumatismes des faits de guerre ?

L'ordre mondial fut fortement recomposé après la dislocation des empires Austro-hongrois et Ottoman, les changements radicaux de régime avec l'instauration de la république dite de Weimar en Allemagne et la prise de pouvoir des bolcheviques dans l'ancien empire Russe. L’Europe qui jusqu'alors dominait le monde s'est vue supplanter par la grande puissance montante: les États-Unis. Ces derniers, outre leur domination économique, exercèrent dès l'après-guerre une grande influence dans la diplomatie internationale crédibilisée par leur force armée. Ainsi, c'est le président américain Wilson qui imposa, lors de la conférence de paix de Paris en 1919, la création de la société des nations dont la mission était la fondation d'une paix durable dans une démocratie universelle.  

L'armistice avait accordé quinze jours à l'armée allemande pour évacuer les territoires occupés et trente jours pour se retirer au delà de la rive gauche du Rhin mais l'armistice n'avait que suspendu l'état de guerre. Le 28 juin 1919 fut signé, dans la galerie des glaces du château de Versailles, le traité actant des conditions de la fin de guerre entre l'Allemagne défaite et les vainqueurs alliés.

Le traité de Versailles fixa dans différents domaines (territorial, militaire, financier, économique) les exigences auxquelles dut se plier l'état allemand et donc les citoyens allemands. D'autres traités (Saint-Germain-en-Laye, Sèvres, Trianon, Neuilly)  statuèrent sur les clauses relatives aux autres pays vaincus.

L'absence d'esprit de réconciliation Européenne, les différences d'approche entre les alliés, leurs intérêts nationaux divergents conduisirent plus à empêcher matériellement le déclenchement d'une nouvelle guerre qu'à construire une paix durable. L’Allemagne de l'après-guerre humiliée, appauvrie, occupée, rançonnée, privée d'une partie de ses prérogatives de nation, succombera aux appels à une grandeur retrouvée lancés par de faux prophètes qui n'étaient qu'annonciateurs de malheurs plus grands encore.  

15 décembre 1917 - Paris - Ateliers de camouflage. Passage de l'Atlas n°4. La Pouponnière. Salle d'allaitement. Les mères allaitent leurs enfants.

#50.2

Terminons par une petite histoire enfantée de la grande histoire.

La technique du camouflage utilisée de tous temps par les chasseurs et les guerriers, connut un essor fulgurant durant la première guerre mondiale. La guerre de position commandait de dissimuler ou fondre dans le paysage les installations sensibles et peu mobiles: les pas de tirs, les postes d'observation et de communication, les avions au sol, … On utilisa aussi des leurres : des canons en trompe l’œil, des avions en carton pâte, des sentinelles en plâtre...  Ainsi, des artistes peintres, des sculpteurs, des décorateurs de théâtre travaillèrent-ils dans des ateliers assistés de milliers de « petites mains » à la fabrication de toiles, de filets de camouflage, de faux arbres, des meules factices cachant un poste d'observation ou un mortier …

L'un de ces ateliers était installé au passage de l'Atlas au pied des Buttes Chaumont à Paris dans une ancienne conserverie. Sur les huit cents ouvrières, certaines étaient de jeunes mamans et on ouvra  pour elles « une crèche d'entreprise ». En matière d'encadrement, de suivi médical, d'hygiène, de confort, cette pouponnière était tout à fait remarquable comme l'était sa décoration réalisée par les artistes de l'atelier.

Sur cette photo prise dans la salle d'allaitement, on observera effectivement la clarté, la propreté de de la pièce, le poêle à bois, les blouses immaculées portées par les mères et à gauche de la fenêtre une esquisse de fresque représentant une volée de colombes … celles de la paix ?

Ces nourrissons incarnaient l'arrivée, à la sortie de la guerre, d'une nouvelle génération prenant un nouveau départ.  Ils ne se souviendront pas de la guerre 14 mais leurs parents leur raconteront comment ils l'ont traversée. Les petits garçons grandiront. En 1939, un peu après leur vingt ans, ils endosseront l'uniforme de leur père et comme lui, ils partiront à la guerre. Devant eux, s'avanceront, hostiles et revanchards, les fils de ceux qu'avaient affronté leur père. Terrible Fatalité !   

Photos - Albums Valois -  Bibliothèque de Documentation internationale contemporaine (BDIC)