#19.1
Durant la guerre de position, les villes et villages situés à proximité de la ligne de front ont été exposés aux incessants duels d'artillerie lourde auxquels se sont livrés les deux camps.
En effet, au fil des mois et des années de guerre, le rôle stratégique et tactique de l'artillerie ne fit que s'accroître à mesure que s’allongeait la portée, la précision des canons et leur puissante dévastatrice. Toute attaque était précédé d'un déluge de feu balayant les défenses adverses. Des tirs de barrage couvraient les flancs des unités engagées, alors que les pièces les plus lourdes parfois montées sur rails faisaient office de contre-batterie pour atteindre l'artillerie ennemie !
Pour la défense ou l'attaque de positions fortifiées étaient déployés des mortiers ou des obusiers plus maniables.
Les bombardements d'artillerie à longue distance et les premières attaques aériennes tendent également à altérer les frontières spatiales entre espace de combat et espace civil.
Positionnés à 120 kilomètres de la capitale, des canons lourds, improprement surnommés « Grosse Bertha » bombardèrent Paris du 23 mars au 9 août 1918. La région parisienne subit d'autres bombardements, par zeppelin dès 1914, puis par avion. Au printemps 1917, les premiers bombardiers de l'armée allemande conduisirent des raids contre les quartiers industriels de Londres.
L'étendue et l'intensité des dévastations sont inimaginables. Des paysages agrestes délicatement peints à la sueur des hommes et la patience du temps sont, en quelques mois, réduits à un chaos lunaire jalonné d'amas de ruines. Des villages entiers disparaissent condamnant les populations à survivre dans des ruines ou des abris de fortune.
Au total, dans le Nord de la France, 289.000 maisons furent intégralement détruites, 422.000 sévèrement endommagées ; 11.000 édifices publics (mairies, écoles, églises..) seront à reconstruire à l'image de la ville de Bailleul. De cette cité fondée au Xème siècle, il ne restera, après la grande offensive allemande dans les Flandres d'avril 1918, qu'une seule maison debout ! Le monument aux morts de la ville est d'ailleurs adossé à quelques pans de murs déchiquetés derniers témoins de ce cataclysme.
Le petit village de Mons-en-Chaussée sera également presque entièrement anéanti lors du repli stratégique de l'armée allemande (l'opération Alberich) de mars 1917. On voit ici, des rues désertes, des bâtiments ravagés par des incendies, des habitations soufflées par des explosions… Cela nous renvoie immanquablement à d'autres images, d'autres villes subissant aujourd'hui le même sort !
#19.2
Même si le clocher de l'église de Mons-en-Chaussée est encore miraculeusement debout, la nef est éventrée, l'abside n'est plus qu'un tas de gravats. Après le retrait des troupes allemandes, les Monsois encore présents dans le village, des femmes et des enfants rejoints par quelques hommes de l'avant-garde britannique viennent constater l'ampleur des dégats. Il fait encore froid en ce mois de Mars; les femmes portent de longues capes, se pelotonnent dans leurs châles, les enfants gardent leurs mains dans leurs poches … Plus loin dans la rue principale, de beaucoup de maisons, il ne reste que quelques pans de murs menaçant de s'effondrer … Que vont-ils devenir, que deviendra leur village ?
Il sera partiellement reconstruit. L'église sera reconstruite en 1925. Comme un symbole de cette rupture entre l'avant et l'après-guerre de 14, le porche et le clocher sont en pierre calcaire, rappelant l'ancienne église romane du 12ième siècle, alors que la nef est en briques et béton. Mons-en-Chaussée fusionna, en 1973, avec le hameau voisin Estrées-en-Chaussée pour constituer la nouvelle commune d'Estrées-Mons.
Photos - Albums Valois - Bibliothèque de Documentation internationale contemporaine (BDIC)