#25.1
La vie du « poilu », comme celle des « feldgrau », est faite, certes, de moments d'une rare intensité et d'une impensable violence lors des offensives qu'on soit dans le rôle du défenseur ou de l'attaquant. Mais l'essentiel du temps est consacré à des patrouilles, des poste de garde, des rotations entre les lignes, des périodes de « repos » au cantonnement, et à partir de juillet 1915, parfois de permissions.
Malgré les corvées, l'entretien ou le renforcement défensifs des tranchées, les améliorations de conditions d'hébergement dans les cantonnement, le temps est long pour tous ces hommes dans la force de l'âge. Alors ils s'occupent, se divertissent comme ils le peuvent.
Leur famille est évidemment toujours présente à leur esprit et, pour combler cette absence, ils entretiennent amoureusement le lien avec elle grâce au courrier. Plusieurs milliards de lettres ou de cartes postales ont-elles ainsi été échangées entre le front et l'arrière. Souvent bien écrites, elles constituent de vibrants témoignages des états d'âme de ceux qui traversèrent cette épreuve … Beaucoup de soldats s'adonnèrent à l'écriture de carnets ou au dessin croquant sur des calepins des scènes de la vie quotidienne … Durant les hostilités, naquirent de nombreux journaux de tranchées traduisant souvent avec humour, avec leurs mots, leur caractère, leur vision des événements dans le contexte et dans l'instant. Citons quelques titres : le cafard enchaîné, le crapouillot, l'écho des guitounes, le petit bleu, le poilu marmité, le tords-boyaux, l'artilleur déchaîné, le clairon, ou encore côté allemand der Kamerad, die Wacht im Osten, die Armierer, …
On trouve d'autres moyens pour combler ces périodes d'inaction. On lit, des bibliothèques aux armées sont animées par des œuvres caritatives; on joue aux cartes, à l'écarté notamment, aux dominos ... Beaucoup de jeunes gens découvrirent les joies du sport : le football, le rugby, la boxe, le vélo … D'ailleurs, la hiérarchie encouragea vivement cette pratique qui maintient la condition physiques des troupe. La première guerre mondiale fut d'ailleurs un formidable promoteur du développement et la démocratisation du sport.
Même en temps de guerre, on ne perd pas totalement son âme d'enfant et les plaisirs simples entre copains. Ici, avec les moyens du bord, un groupe a fabriqué un manège et s'offre une riante récréation !
#25.2
Durant ces phases d'accalmie, nombreux sont ceux pour ne pas s'enfoncer dans la «gamberge », concentre leur attention dans des travaux manuels. L'ensemble des ses activités prendra ensuite le nom « d'artisanat de tranchée ». Les guitounes se transforment en atelier des ferblantiers, de dinandiers, orfèvres, graveurs, sculpteurs, … On y fabrique, avec des matériaux de récupération (douille, gamelles, cuir, bois, …) des briquets, des tabatières, des couteaux, des bagues, des objets de piété, des jouets naïfs en pensant aux enfants qui grandissent loin de vous.
L'une des productions des plus typiques est le vase à décor inspiré de l'art nouveau réalisé à partir de douilles d'obus en laiton. Ceux-ci ont longtemps ornés les dessus de cheminée de très nombreux foyers. Stupéfiante inversion des finalités: ces tubes chargés de poudre à canons convertis en porte-bouquet de fleurs: de la guerre à la paix ...
Parfois, comme on le voit sur cette photos, ils se lancent dans l'élaboration de système « D » comme cette douche alimentée pour une roue à godets, elle-même actionnée par une roue à aube entraînée par le courant d'un ruisseau. Et ça marche !
Photos - Albums Valois - Bibliothèque de Documentation internationale contemporaine (BDIC)